Mais attendez, je suis la seule à trouver que les rapports prof-élève, enfant-adulte et les problèmes du système éducatif japonais sont pas les [i]vrais[/i] thèmes de ce manga ?
(Caché pour spoil + thèmes sensibles)
[spoil]Ce qui m'a beaucoup frappée en lisant GTO, c'est l'omniprésence du sexe, et la manière dont c'est traité par l'auteur. Le personnage principal est un gros pervers, ok, c'est plutôt courant dans un manga de ce genre. Mais Onizuka est un pervers qui a des vues sur des lycéennes (au début du manga) et ne se gêne pas pour mater des collégiennes (même si c'est présenté sous le signe de l'humour, qu'Onizuka est jamais vraiment sérieux, et que son statut de héros du manga fait de lui un chic type au bout du compte).
Le thème qui revient le plus souvent dans le manga, c'est l'agression sexuelle (voire le viol, surtout l'arc sur les trois pimbêches qui se font vendre aux types là, dans un hôtel, celui où Onizuka se jette à travers une fenêtre pour les sauver). On voit constamment des jeunes filles (des collégiennes de 14 ans) en culotte, ou dénudées, avec des types sur le point de les agresser, et Onizuka accepte de les sauver (parce que c'est le héros du manga, quoi), mais jamais sans d'abord essayer de leur soutirer quelque chose (par exemple les 8 millions de yen). Gardons en tête que vers le début du manga, Onizuka admet être un consommateur de vidéos pornographiques impliquant des lycéennes, donc il est pas tout blanc non plus, et il en a conscience ; pourtant, même si on a aucun doute sur le fait qu'il est un pervers, l'auteur du manga ne [i]condamne[/i] jamais vraiment ses actions.
Le personnage le plus dépravé, c'est le sous-directeur. A sa première apparition, il tripote une fille dans le train. On le revoit faire ça plusieurs fois dans la série (c'est limite un running joke, à un moment il le fait même alors que le train est désert). Ensuite on le voit filmer des collégiennes en upskirt. Puis on voit le type qui donne dans le scato et se cache sous les toilettes. La gravité des actions de tels personnages est soulignée par les personnages qui en sont victimes (les collégiennes donc), et pourtant c'est décrit de manière humoristique (enfin j'pense qu'on peut parler d'humour noir à ce niveau).
Dans ce manga, les personnes en lesquelles on devrait pouvoir avoir confiance (prof, sous-directeur, agent de police <- le pote d'Onizuka) se retrouvent tous dans une position où ils abusent de leurs pouvoirs dans le but de satisfaire leurs désirs personnels (le plus souvent lubriques). Les agents de police sont corrompus et ne font pas leur boulot (jusqu'à proposer à Onizuka de vendre de la drogue, il me semble). Les profs sont dépassés par leurs classes à problème. Le type qui est censé avoir en tête les intérêts des élèves ne tient à sa position que parce que ça lui permet d'assouvir ses pulsions.
J'ai relu GTO récemment, et l'impression que j'en ai eue est que l'humour vient de la dédramatisation de situations qui devraient en fait horrifier le lecteur, mais qui sont devenues courantes dans la société japonaise. Lorsque l'auteur insiste sur les pensées de ses personnages adultes, je trouve que ça le montre bien : un type est convaincu que le déclin de la société s'explique par le fait que les étudiantes portent des jupes trop courtes, rejetant la faute sur elles au lieu de se rendre compte que c'est lui, le voyeur pédophile, qui met en péril les valeurs traditionnelles japonaises. Le jeune prof qui sort de la prestigieuse université de Tokyo n'est pas un modèle pour les autres enseignants, ni pour les élèves, et n'a rien à foutre de sa mission de prof, puisque tout ce qu'il veut est se taper la copine d'Onizuka. Le prof d'anglais n'hésite pas à saboter le voyage d'une classe (et laisser accuser un élève d'avoir volé les 8 millions) pour ne pas que ses enregistrements pornographiques soient révélés.
Y a une déconnexion entre le statut accordé à ces personnes et la façon dont elles effectuent le travail qui correspond à ce statut. Les personnages n'exercent pas leur métier par vocation (tous à part Onizuka, dans le truc classique de la rédemption de l'anti-héros qui commence sa quête sans avoir conscience des enjeux de sa position mais a un bon fond et donne un sens à ses actions en sauvant ses élèves), ou s'ils le faisaient au début ils ont perdu de vue leurs convictions premières.
Ça rejoint l'observation principale que j'ai faite sur ce manga, que la sexualité y est traitée de manière très violente. Il n'y a jamais rien de consensuel. On retrouve comme exception la jeune prof qui aime bien Onizuka, mais c'est tout. A part elle, tous les personnages voient le sexe comme un moyen de soumettre une autre personne à soi, un rapport déséquilibré dominant>dominé, voyeur>vu, violeur>victime. Ça en dit long sur la conception que l'auteur du manga a de la pornographie, je pense, et de l'utilisation pervertie de la sexualité dans la société contemporaine.
GTO est censé faire rire, mais ça c'est surtout de notre perspective occidentale. Si on essaie de recadrer ce manga dans le contexte qui est le sien, et sans parler de la trame officielle du manga (le type qui gravit les échelons de la société en passant de yanki à prof, et les difficultés de communication entre générations), on se rend compte que c'est plutôt un commentaire de la dégradation des mœurs, une façon d'attirer l'attention sur ces problèmes-là. Au lieu de commenter les différences intergénérationnelles en disant "les jeunes de nos jours rejettent les valeurs de notre pays", l'auteur a l'air de rabâcher que c'est la génération précédente qui a tout gâché en s'accrochant au fameux mythe du salaryman qui réussit sa vie jusqu'à croire que l'argent et le statut social sont ce qui fait d'un homme qu'il est bon, et que le statut peut excuser la dégénérescence morale. Au contraire, si on regarde bien GTO, l'opinion de l'auteur semble être que c'est les vices des adultes qui sont à l'origine des maux de la société.
Évidemment il n'y a rien de réellement novateur dans cette morale, surtout de nos jours où c'est un peu l'opinion qui prédomine, mais à l'époque où GTO a été publié, c'était pas non plus rien de dire ça dans un œuvre relativement grand public. Au vu de la portée de ce manga, il a pu contribuer à la diffusion de cette idée.[/spoil]
Et je rejoins aussi l'opinion de ledanseur en ce que l'auteur a en effet tendance à "enfoncer des portes ouvertes" - toutes les problématiques abordées par le manga auraient pu être traitées beaucoup plus en profondeur, notamment dans les notions de fossé entre générations, où l'auteur se contente de redire ce qui a déjà été dit. Mais après, logiquement avec plus d'attention portée sur les thèmes sensibles au détriment de l'humour, ça aurait pas eu le même succès, donc c'est peut-être pas si mal que ça soit resté un peu superficiel...
Enfin j'ai surtout l'impression qu'il y a plusieurs niveaux de lecture. Je vois pas vraiment la dimension "problèmes du système éducatif japonais", par exemple, alors que visiblement ça a frappé certains d'entre vous. Et honnêtement, rien dans GTO ne m'a fait pleurer d'émotion.
J'ai pu dire tout ça parce que maintenant on a un certain recul par rapport à la période où GTO se passait. Et au final, sur ce plan, les choses ne se sont pas vraiment améliorées, non ? De nos jours, quand on trouve du fanservice, ce n'est même pas de manière ironique ou pour se moquer des otaku, c'est parce que ça fait vendre, et cette conception a même pénétré des manga/anime assez mainstream. Certaines choses qui apparaissent choquantes ou surprenantes (genre les photomanipulations xxx) pour les personnages de GTO sont maintenant tellement répandues que quand on lit GTO, on trouve ça naïf.
(Comme mémé Tsunade, je précise que j'aime aussi GTO, et mon avis se base uniquement sur le manga, j'ai vu ni l'anime ni le drama.)