16 octobre 2003
L'émeute qui a suivi l'annulation d'un concert - Punk un jour...
Stéphane Baillargeon Le Devoir
«Dans la foule de fans, il n'y avait pas juste des punks», corrige Paul Matte, directeur du Medley, la salle où devait avoir lieu le spectacle dont l'annulation a servi de prétexte aux violences. «Les images télé se concentrent sur les casseurs punks. Avant le trouble, dans la foule de quelques centaines de spectateurs, on avait toutes sortes de gens parce que le band qui devait se produire existe depuis plus de 20 ans et jouit d'une certaine réputation.»
Ce groupe, c'est The Exploited, une petite légende britannique, qui devait être accompagné par Total Chaos, de Los Angeles. Les deux formations tournent ensemble aux États-Unis depuis quelques semaines. Elles ont même poussé une petite pointe à Vancouver à la mi-septembre, sans être cette fois-là refoulées à la frontière canadienne (voir autre texte en page A 1).
The Exploited a vu le jour au tout début des années 80, c'est-à-dire au moment où la forme originelle, pure et dure du mouvement punk agonisait sous les coups répétés des disparitions de figures clés (Sid Vicious mort de surdose en 1979, Ian Curtis suicidé en 1980... ) et de la dissolution des groupes phares. Le premier album de The Exploited, lancé en 1981, s'intitulait d'ailleurs Punk Is Not Dead, comme pour conjurer la tendance létale...
Les quelque 150 000 exemplaires écoulés en firent le vingtième meilleur vendeur de l'année. The Exploited est resté fidèle au genre jusqu'à aujourd'hui, comme un Boule Noire persistant dans la veine disco passé l'an 2000. Fuck The System, le tout récent et huitième album du groupe, propose des compositions des quadragénaires intitulées Never Sell Out ou Chaos Is My Life. Punk un jour...
«La violence a été causée par l'annulation du show», commente Sébastien Hamelin, booker chez Burnout Productions, la compagnie qui voulait faire venir les deux groupes à Montréal. Burnout Productions produit de trois à quatre spectacles par mois, surtout de la mouvance punk, souvent au Medley ou aux Foufs. «The Exploited n'était pas venu à Montréal depuis 15 ans. On n'a jamais eu ce genre de problème.»
Bon an, mal an, la salle de 1800 places du Medley présente 200 spectacles, dont une petite poignée de musique punk, qui n'a plus beaucoup la cote. «Ou alors, la catégorie est large: Greenday aussi est classé punk, dit Paul Matte. [...] On vérifie les antécédents des groupes qui se produisent chez nous et on refuse régulièrement des événements pour toutes sortes de raisons.»
Lesquels? Le directeur répond franchement en pointant les shows de type hip-hop. «Il y a quelques années, avant que j'arrive au Medley, il y a eu une bagarre et un blessé pendant le spectacle d'un band de hip-hop. Après ça, la Régie des alcools m'a interdit de faire des shows de ce genre sous menace de me retirer mon permis. Plein de promoteurs m'appellent pour m'offrir des shows parce que le hip-hop est très à la mode. Je ne peux pas.»
Réjean Thériault, directeur des communications à la Régie des alcools, des courses et des jeux, s'étonne de ce commentaire. «Nous n'avons pas de jugement à porter sur le genre de musique [présenté dans les salles], dit-il. Le grabuge n'est pas relié au type de musique. Ce n'est pas impossible que des régisseurs aient décrit tel ou tel type de musique comme étant plus à risque. Mais ce serait étonnant. On dirait donc que tel type de musique va avec tel type de clientèle qui amène du trouble? Il me semble que les propriétaires doivent comprendre le problème par eux-mêmes.»
Le porte-parole de la Régie des alcools, qui attribue les permis d'exploitation de bar et de salle de spectacle, rappelle aussi que l'organisme base ses analyses sur la notion de sécurité et la tranquillité publique. «Si un spectacle de chant grégorien bouche les rues, on intervient, dit encore M. Thériault. C'est le résultat qui compte. Et puis, si une salle annulait un concert de Céline Dion, il y en a peut-être qui capoteraient... »